Sur le droit à l’éducation : Les universités et l’état d’urgence

RSQAR
13 novembre 2021


La notion de « privilège » utilisé par PM Trudeau ou de « récompense » utilisé par PM Legault ne sont pas des notions légales. Les personnes vaccinées ne peuvent se faire accorder des privilèges, ni des récompenses. L’imposition de telles règles moyenâgeuses, paternalistes et infantilisantes par nos PMs et leur gouvernements ne peut avoir sa place dans une société démocratique.

Travailler n’est pas un privilège ni une récompense, pas plus que s’éduquer et éduquer, ni même aller et venir librement, pour ne citer que ces droits, aujourd’hui très durement atteints. Le droit ne reconnait pas de « privilèges » ou « récompenses ». Le droit ne reconnait que la notion de « droits ». Les citoyens canadiens ont des droits. La Constitution canadienne et les textes provinciaux accordent une protection élargie aux droits des individus et communautés et les atteintes aux droits doivent se faire dans les limites autorisées par la Constitution canadienne. Ainsi, une personne ou catégorie de personnes ne peuvent se faire accorder des privilèges ou des récompenses, en faisait fi des règles constitutionnelles qui régissent notre pays. L’utilisation de tels termes va à l’encontre même de l’État de droit, ce « système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit, lié au respect de la hiérarchie des normes, de la séparation des pouvoirs et des droits fondamentaux.[…] Toute tentative de déstabilisation, de dénaturation [de l’État de droit], doit être considérée comme une volonté de faire sortir la société du modèle démocratique. A fortiori lorsque l’on abolit les principes fondamentaux

Mais ce n’est pas tout. Rappelons que le Canada est signataire de la majorité des grands traités internationaux, particulièrement la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Bien que ces instruments n’aient pas été intégrés dans les Chartes canadienne ou provinciales des droits, et bien que le Canada a montré une grande réticence voire même un désintéressement à l’égard de ces instruments lors de leurs préparation, au grand dam de John P. Humphrey, professeur à McGill et qui dirigeait le Secrétariat des droits de l’homme des Nations Unis au moment de l’élaboration de la Déclaration, formidable contributeur à ce texte juridique fondamental, les tribunaux canadiens, par leur interprétation large et libérale de la Constitution canadienne et des instruments quasi-constitutionnels provinciaux, n’hésitent pas à s’y référer.

Ainsi, en plus de porter grave préjudice aux droits consacrés dans la Constitution canadienne, les mesures sanitaires mises en place se mettent en porte-à-faux avec ces textes internationaux, reconnus par la communauté internationale toute entière. De telles mesures toute à fait disproportionnelles ne peuvent se justifier dans une société libre et démocratique.

Par exemple, l’art. 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par le Canada en 1945, dispose, en ses paragraphes 1 et 2 que :

« 1. Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

2. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. […] » 

Quant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, son article 6(1) dispose que :

« Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit. »

Quant à l’article 13 du Pacte, il reprend plus en détail les différents principes affirmés dans la Déclaration relativement à l’éducation.

L’imposition d’un passeport vaccinal ou sanitaire au sein des établissements délivrant une éducation tant au plus jeunes, qu’aux adolescents ou aux adultes, va à l’encontre du droit à l’éducation. Un groupe de personnes ne peut être exclus catégoriquement, complètement et de manière permanente des enceintes d’un tel établissement sur la base uniquement d’un choix de santé qui lui appartient.

Du rôle des universités, gardiennes de notre société libre et démocratique

La participation particulièrement des universités, tant par son administration que par ces professeurs et étudiants, à l’instauration d’un tel régime va à l’encontre même de leur raison d’être, de leur mission. En effet, l’Université remplit un rôle spécifique dans la société libre et démocratique comme une institution indépendante permettant enseignement et recherches, à quiconque le souhaite, contribuant ainsi à l’autoréflexion de la société, permettant une confrontation d’idées. A cet égard, les universités jouissent d’une grande liberté dans son fonctionnement, la détermination des programmes d’études, l’accréditation des professeurs, etc. et la liberté académique qu’elle prône ne peut se réconcilier avec des demandes ségrégationnistes des gouvernements actuels. Aussi, nos universités, ses professeurs et étudiants ont le devoir de se lever face à l’instauration d’un régime discriminatoire sur la base d’un état de santé personnel.

Sur la notion d’urgence

L’urgence ne peut constituer un élément justificatif qui faciliterait la possibilité de porter atteinte aux droits de manière généralisée. Elle est, par son étymologie, l’état d’une situation pressante et donc par la même exceptionnelle. Nous vivons dure depuis 18 mois dans cet état d’urgence, 18 mois de limitation de liberté de surveillance de la population exacerbées, de décisions prises en huit-clos, de pouvoirs policiers accrus, qui n’a finalement plus rien d’exceptionnel. Or, s’il est bien, dans une démocratie, un moment où l’atteinte aux droits fondamentaux devrait être scrutée et analysée très méthodiquement particulièrement par les tribunaux et au sein des sociétés civiles, c’était bien pendant une période où l’état d’urgence est proclamé. Il ne s’agit aucunement d’affirmer ici que les droits et libertés fondamentaux sont absolus. Cependant, l’état d’urgence, justifié par un impératif de sécurité sanitaire scandé partout dans les médias, lors des conférences de presse ou dans les enceintes législatives, constitue l’un, si ce n’est pas le procédé le plus efficace pour éviter d’appliquer les règles de l’État de droit, et donc pour restreindre les libertés, tout en en gardant l’apparence mais qui ultimement ne fait que dénaturer les principes fondamentaux d’une société libre et démocratique.