RSQAR
13 novembre 2021
À l’été 2021, pour pallier les impacts négatifs d’un ensemble de mesures sanitaires drastiques, le retour en classe est exigé par notre gouvernement. Les étudiants doivent pouvoir vivre leurs cours en présence. Une bonne nouvelle certes mais à quel prix? Le port du masque est maintenu et les enseignants sont soudain appelés à faire la police. Des protocoles sont établis et imposés (encore une fois!). Un étudiant qui ne porte pas son masque est jeté dehors par des agents de sécurité comme un criminel. Adieu la bienveillance, la tolérance et les accommodements qui étaient pourtant bien à la mode avant cette crise. Sans une dérogation médicale très précise (difficile à obtenir d’ailleurs), pas d’autre choix que de porter le masque sinon pas d’accès à l’éducation. Un nouveau choix s’impose, étudier ou respirer. Les enseignants quant à eux n’ont jamais été consultés. On ajoute ce rôle de police à leur tâche quotidienne en supposant qu’ils adhèrent à cette mesure et au protocole d’intervention établi. C’est ça, aujourd’hui on suppose que tous adhèrent et même qu’ils adhèrent avec conviction! Et si ce n’était pas le cas? Si pour l’enseignant il a toujours été important de bien s’oxygéner puisque cette oxygénation est reconnue comme jouant un rôle important au niveau de la santé globale et du bien-être, conditions essentielles à l’apprentissage. Parce qu’on oublie complètement ce qu’on vient faire dans une salle de classe. On oublie les conditions favorables à l’apprentissage. Mais si on ose partager ce genre de réflexion on se fait quasiment agresser parce que “c’est une pandémie comprenez-vous, c’est normal que rien de soit normal!”. C’est normal que même si l’efficacité des masques soit loin de faire consensus dans la communauté scientifique on accepte sans aucune remise en question qu’il faut porter des masques pour se protéger et surtout, ah surtout, protéger les autres. Quels autres vous me direz, les 85% vaccinés qui fréquentent les universités et qui somme toute sont protégés? Ou les 15% qui ne le sont pas avec les raisons qui leur appartiennent? Comme enseignants notre rôle est d’inclure, d’écouter, d’adopter une attitude respectueuse et bienveillante envers tous nos étudiants. Nous n’avons ni le rôle de juger un étudiant qui a fait le choix de ne pas se faire vacciner et encore moins le rôle de le convaincre que son choix n’est pas le bon. Qui sommes-nous pour juger d’un choix médical personnel? À notre embauche jamais on ne nous a dit qu’on devrait un jour participer à des campagnes politiques. Au contraire, beaucoup parmi nous ont le rôle et le devoir d’observer, analyser, critiquer les mouvements politiques, en tout cas ils en avaient l’habitude. En fait, comme universitaires nous sommes socialement considérés comme les penseurs de ce monde. Depuis quand un penseur adhère-t-il sans contestation ni questionnement à des directives politiques? Depuis quand un penseur ne pense pas? Parce qu’elle est là notre plus grande souffrance, nous interdire de penser, nous interdire (ou rire de ceux qui le font) de lire des articles scientifiques sur le sujet pour se faire une idée. Parce que si nous en sommes arrivés à travailler en milieu universitaire c’est que nous avons appris à penser, à questionner, à analyser. Ces compétences se réduisent-elles vraiment au domaine d’expertise pour lequel nous avons été engagé? On peut en douter puisque ces compétences sont transversales. C’est d’ailleurs pour cela dans les cours aux cycles supérieurs (méthodologies de recherche, analyse qualitative et quantitative, etc.), il n’est pas rare que les étudiants de différents domaines soient réunis. Cependant, il est vrai qu’à part quelques collègues experts du domaine, nous ne sommes pas en mesure de faire des recommandations sur la gestion d’une pandémie. Mais cela ne signifie pas qu’on ne puisse pas, comme citoyens et penseurs, relever les incohérences, les bris de raisonnements, les manques de preuves, etc. Nous avons même le devoir de le faire. Nous avons aussi le devoir d’exprimer notre malaise à faire la police des masques ou à ce qu’un collègue juge ouvertement le choix vaccinal de ses étudiants. Nous devons affirmer nos valeurs profondes, celles qui font de nous des professeurs, des chercheurs, des penseurs, des citoyens. Notre rôle n’est pas celui du politicien ou d’un directeur de santé publique, nous n’avons pas, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, à adhérer aveuglément aux choix qui sont faits. Nous n’avons pas à reléguer un discours politique. Nous n’avons pas à nous taire par peur d’être mal vus.
Pour beaucoup de gens, ce qui se passe est quasi anodin. Le scénario est clair (on nous l’a d’ailleurs présenté dans une panoplie de films) : Un virus arrive, on vaccine tout le monde, on éradique le virus et on revient à la vie d’avant. Le problème c’est qu’on sous-estime tout ce qui peut arriver à chaque étape du processus. Le virus arrive et pendant des mois l’angoisse monte, les problèmes de santé mentale augmentent. Les mesures sanitaires ont des impacts sur tous. Le vaccin arrive et l’espoir revient. Mais rapidement on comprend que le vaccin sauveur n’est pas parfait et que vacciner tout le monde est objectif inatteignable sans causer des dommages majeurs. On se rend compte aussi que vacciner tout le monde ne sert à rien puisque le virus circulera toujours. Malgré tout, aujourd’hui les autorités gardent le cap. Ils ne brillent certainement pas par leur humilité et leur capacité d’adaptation. Ils ne brillent pas non plus par leurs analyses globales des situations. Combien de chercheurs ont-ils consulté durant tout ce temps? Combien de chercheurs font-ils partie de la cellule de gestion de crise? À quoi ça peut bien servir socialement d’avoir des experts si on ne les consulte pas? À quoi servons-nous? Non seulement la crise n’est abordée que par la lunette très restreinte de l’épidémiologie et de la virologie mais en plus très peu d’experts de ces domaines sont consultés. On nous parle de consensus scientifique… mais d’où sort ce consensus? Pour que des chercheurs se soient entendus, encore faut-il qu’il y ait eu échanges d’idées et débats… quelle image de la science transmet-on aujourd’hui à la population? On a l’impression que la science c’est un petit groupe restreint de personnes qui détiennent la vérité et qui dictent les comportements humains. Aujourd’hui on nous parle qu’il faut croire à la science comme s’il s’agissait d’une religion et on confond même une technologie développée à partir de certains résultats de recherches scientifiques (un vaccin par exemple) avec la science. Voilà, les masques c’est la science, le vaccin c’est la science, la santé publique c’est la science. Et plus le temps passe plus ces conceptions se renforcent. La population adhère parce que cette vision simpliste les rejoint. On ne peut pas leur en vouloir. On ne comprend ce qu’est la recherche que lorsqu’on devient chercheur. Et que peuvent-ils faire d’autre que de faire confiance à leurs dirigeants? Mais nous, qu’attendons-nous pour nous exprimer? Qu’attendons-nous pour remettre les pendules à l’heure? Parce que si la science c’est ça nous ne servons vraiment plus à rien. Pourquoi chercher à faire avancer les connaissances scientifiques si on accepte qu’un petit groupe de personnes détient déjà la vérité et que cette vérité est immuable? Comment enseigner à nos étudiants à réfléchir et à développer leur esprit critique si aujourd’hui ce n’est plus socialement acceptable? Oui on peut se taire mais il est à prévoir qu’avec cette conception déformée et réductrice de la science et l’avènement du numérique, nous ne servirons bientôt plus à rien. La recherche, inutile, l’enseignement sans réflexion, un ordinateur peut le faire.
